Depuis soixante ans, l’art martial élaboré par Jigoro Kano fait partie des disciplines sportives qui égayent les Jeux olympiques d’été.
Avant le coup d’envoi du quinzième tournoi olympique – puis du dixième en ce qui concerne le para judo – cet été à Paris, retour sur celles et ceux qui ont marqué ce rendez-vous quadriennal phare, qui transforme des vies et consacre à jamais des héros.
Le judo aurait pu connaître sa première heure de gloire olympique bien avant, lorsque le CIO décida d’attribuer les Jeux de 1940 à Tokyo en récompense du travail accompli par Kano au sein de l’instance. La seconde guerre sino-japonaise puis la Seconde Guerre mondiale entraîneront respectivement leur délocalisation en Finlande puis leur annulation pure et simple, tandis qu’il faudra attendre 1964 pour que la capitale nippone ne devienne enfin la première ville asiatique à accueillir les Jeux. Dans un Nippon Budokan flambant neuf, le Néerlandais Anton Geesink brise les rêves de Grand Chelem du pays organisateur, qui l’emporte dans les trois autres catégories de poids (-68kg, -80kg et +80kg) mais voit son idole Akio Kaminaga s’incliner contre le géant néerlandais en toutes catégories.
Les organisateurs des Jeux de Mexico 1968 n’ayant pas retenu le judo dans leur programme, c’est en Bavière que la discipline revient sur le devant de la scène (pour ne plus jamais la quitter). Six catégories – masculines uniquement – sont proposées : -63kg, -70kg, -80kg, -93kg, +93kg et toutes catégories. La France en profite pour débloquer son compteur avec trois médailles de bronze, tandis que les Pays-Bas voient leur nouveau colosse Willem Ruska s’imposer à la fois en lourds et en toutes catégories.
Pas d’évolution des tableaux pour cette troisième édition qui s’invite au Canada. Le Japon s’impose à nouveau comme la nation dominante grâce à trois titres, dont deux décrochés par Isamu Sonoda (-80kg) et Kazuhiro Ninomiya (-93kg) aux dépens de combattants de l’Union Soviétique, par ailleurs titrée deux fois. Pour la première fois, le palmarès accueille en or un athlète ne venant pas d’Europe ni d’Asie, en la personne du Cubain Hector Rodriguez Torres, sacré en -63kg.
En l’absence d’une cinquantaine de nations – dont les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud – qui décidèrent de boycotter ce rendez-vous en terres russes suite à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS l’année précédente, la France décroche ses deux premiers titres grâce à Thierry Rey (-60kg) et Angelo Parisi (+95kg), également finaliste du toutes catégories. D’une médaille de bronze, ce sont les Soviétiques qui prennent toutefois la tête au classement des nations.
Le scenario s’inverse quatre ans plus tard avec la défection d’une quinzaine de nations dans le sillage de l’URSS. Retour en force du Japon qui empoche la moitié des huit titres mis en jeu comme en 1980 (-60kg, -65kg, -71kg, -78kg, -86kg, -95kg, +95kg, toutes catégories), grâce notamment à l’immense Yasuhiro Yamashita, qui avait remporté quatre médailles d’or lors des trois championnats du monde précédents et faisait alors office de meilleur combattant du monde.
Si le toutes catégories disparaît, la place est enfin faite au judo féminin, intégré comme sport de démonstration en Corée du Sud. Le pays hôte qui se permet au passage de faire mieux que la Pologne et le Japon, qui voient pourtant Peter Seisenbacher (-86kg) et Hitoshi Saito (+95kg) devenir les premiers à parvenir à conserver leur titre obtenu quatre ans plus tôt. Chez les féminines, c’est la Grande-Bretagne qui signe le meilleur résultat d’ensemble avec les victoires de Sharon Rendle (-52kg) et Diane Bell (-61kg). Deux semaines après la cérémonie de clôture, les Jeux paralympiques investissent à leur tour la capitale sud-coréenne, premier organisateur à assurer les deux événements à la suite dans un même lieu. Le para judo y fait ses premiers pas.
Le format à quatorze catégories individuelles est définitivement instauré, avec l’ajout officiel au programme des sept tableaux féminins (-48kg, -52kg, -56kg, -61kg, -66kg, -72kg et +72kg). L’équipe de France triomphe par l’intermédiaire de Cécile Nowak (-48kg) et Cathy Fleury-Vachon (-61kg), tandis que l’Espagnole Miriam Blasco et la Britannique Nicola Fairbrother, aux prises en finale des -61kg, se marieront quelques années plus tard. Du fait de la fin de l’URSS, l’Azerbaïdjanais Nazim Guseynov (-60kg) et le Géorgien David Khakhaleichvili (+95kg) s’imposent sous la bannière de l’équipe unifiée de la Communauté des États Indépendants (CEI). Le Polonais Waldemar Legien écrit également l’histoire en devenant le premier double champion olympique victorieux dans deux catégories de poids différentes (-78kg à Séoul, -86kg en Espagne).
Le Japon ne repart de cette édition américaine qu’avec trois nouvelles médailles d’or, même total que la France qui signe un sans-faute dans les duels décisifs grâce à Marie-Claire Restoux (-52kg), Djamel Bouras (-81kg) et David Douillet (+100kg). À seize ans, onze mois et vingt-quatre jours, la Nord-Coréenne Kye Sun Hui (-48kg) devient la plus jeune championne olympique, établissant un record toujours d’actualité aujourd’hui. Elle se parera de bronze quatre ans plus tard en -52kg, puis d’argent à Athènes en -57kg, renforçant encore un peu plus son côté atypique.
Pour les premiers Jeux organisés en Océanie depuis Melbourne en 1956, les catégories de poids connaissent leur dernière évolution : -48kg, -52kg, -57kg, -63kg, -70kg, -78kg et +78kg chez les féminines, -60kg, -66kg, -73kg, -81kg, -90kg, -100kg et +100kg chez les masculins. David Douillet réussit un incroyable doublé en s’imposant à nouveau en lourds, tandis que c’est Cuba qui dicte sa loi chez les féminines avec quatre finalistes, dont Legna Verdecia (-52kg) et Sibelis Veranes (-70kg) qui terminent leur journée en beauté.
De retour au berceau de l’olympisme, le judo célèbre sa dixième apparition au programme olympique avec un feu d’artifice du Japon, omniprésent au sommet des podiums avec huit de ses dix finalistes sacrés. Une razzia qui laisse toutefois le grand public faire connaissance avec le phénomène Ilias Iladis, pas encore dix-huit ans lorsqu’il rafle la mise en -81kg pour la Grèce, qui n’a d’yeux que pour son nouveau dieu.
À domicile, les Chinoises règlent la question du leadership féminin, avec les impeccables Xian Dongmei (-52kg), Yang Xiuli (-78kg) et Tong Wen (+78kg). Le Japon s’en sort finalement au dernier jour grâce à la victoire de Satoshi Ishii (+100kg), tout sourire durant la cérémonie protocolaire à laquelle participe le tout jeune Français Teddy Riner, médaillé de bronze à dix-neuf ans.
Avec plus de cent-trente nations représentées rien que dans les épreuves de judo, l’universalisme olympique bat son plein au ExCel Center de Londres. Alors que les masculins russes assurent le show avec les trois titres d’Arsen Galstyan (-60kg), Mansur Isaev (-73kg) et Tagir Khaibulaev (-100kg), Riner les privant d’un quadruplé inédit en dominant Alexander Mikhaylin en finale des +100kg. Dans le même temps, le Japon s’enfonce dans les profondeurs du classement, seulement freiné dans sa chute par le succès de la guerrière Kaori Matsumoto (-57kg), qui ne l’empêche pas de signer son pire résultat aux Jeux.
Cap pour la première fois sur l’Amérique du Sud pour les Jeux qui s’établissent dans la cité carioca. Une édition festive sur et hors des tatamis, avec la deuxième victoire de rang de l’Américaine Kayla Harrison (-78kg) et le formidable finish français, incarné par le doublé de Riner mais aussi le parcours parfait d’Émilie Andéol en +78kg. Le Japon a repris des couleurs, notamment chez les masculins où l’authentique Shohei Ono éclabousse les -73kg de son génie.
Reportés d’un an à cause de la crise sanitaire qui frappe le monde entier, disputés à huis clos dans le même Nippon Budokan qu’en 1964, ces nouveaux Jeux japonais seront ceux de la démonstration de force nippone : neuf titres sur quatorze catégories tout simplement du jamais vu ! Shohei Ono est toujours au top, de même que le Tchèque Lukas Krpalek, qui s’adjuge la victoire en lourds cinq ans après sa domination en -100kg au Brésil. La Slovène Tina Trstenjak et la Française Clarisse Agbegnenou se mesurent de nouveau en finale, mais c’est la deuxième qui peut lever cette fois les bras au ciel. Le dernier mot de cette huitaine reviendra à la France, qui s’offre le Japon sur un plateau lors du premier tournoi olympique par équipes mixtes (six combattants, avec trois catégories féminines et trois catégories masculines qui se succèdent).