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Ce fut un choix décisif à la portée considérable : quand Jigoro Kano se sentit prêt à diffuser sa propre méthode de jujutsu, comme ses professeurs successifs de la « Tenjin Shinyo Ryu » et de la « Kito Ryu » lui en avaient donné le droit, il ne créa pas une nouvelle école (ryu), une nouvelle méthode (jutsu), mais une voie (do), un mot de la tradition japonaise que l’on peut traduire aussi par « domaine à arpenter et à découvrir », qui donna une nouvelle portée au projet de synthèse des écoles de jujutsu. Il s’agissait pour lui, non seulement de proposer le meilleur système de combat à mains nues de son époque à partir d’une synthèse des anciennes écoles, mais aussi de faire de cet apprentissage le levier de la bonne construction physique et psychique de chaque pratiquant. 

 

La formation positive reçue au judo, les bienfaits individuels que l’on en retire, sont bénéfiques aussi, par extension, à la société toute entière.

 

3 PRINCIPES FONDAMENTAUX

 

Au cours de sa vie, dans sa réflexion sur le judo qu’il avait créé, Jigoro Kano a mis en avant trois concepts fondamentaux qui se combinent pour contribuer à faire du judo un formidable système de combat et une école capable de forger, sur la base du travail physique et technique, une éthique individuelle et collective, une philosophie de vie pragmatique et performante. Au judo, le développement harmonieux des qualités du corps (tai) passe par l’étude approfondie et l’entraînement du patrimoine technique (gi), exigeant de l’esprit (shin) un engagement fort. Cet ensemble, formalisé au judo par le terme populaire « shin-gi-tai », forme un cercle vertueux où chaque élément renforce les deux autres dans une dynamique positive de progrès.

 

1 JU : l’adaptation
Traduit par « souplesse » dans les temps pionniers en France (on disait du judo que c’était « la voie de la souplesse »), le premier principe est celui de la non-résistance et de l’adaptation aux forces (Ju).

Ce principe millénaire de la pensée orientale, dont on trouve la trace dans les textes anciens chinois et japonais, est ce qui réunit les écoles de jujutsu traditionnelles : l’art d’utiliser la force adverse par l’application de la bonne technique. Le jeune Jigoro Kano, dont le physique chétif ne lui permettait pas de s’imposer, se passionna pour cette étude appliquée au combat et la garda au cœur de sa propre création. C’est d’abord à l’exploration de ce « secret » ancien que Jigoro Kano nous invite.

Le concept est simple : s’adapter à la force mise dans le face-à-face par l’adversaire avec l’enjeu de contourner et de retourner cette force en cédant d’abord devant elle pour mieux projeter. Cette maîtrise demande de privilégier une posture technique droite et mobile, une attitude souple et réactive qui est encore aujourd’hui la signature des meilleurs experts de judo et des grands compétiteurs olympiques. Son étude commence dès les premières séances de judo, où, débutant, on apprend à reculer quand le partenaire avance, pour mieux le déséquilibrer et placer la technique.

L’adaptation est une des caractéristiques les plus fortes du judo. Dans l’esprit de Kano, l’adaptation relève du physique sur le tapis, mais concerne autant, voire davantage, l’attitude mentale et la capacité à réagir aux situations extérieures.

 

2 SEIRYOKU ZENYO : la bonne utilisation de l’énergie

En cherchant la formule la plus précise pour définir le judo dans toute sa dimension, Jigoro Kano a voulu dépasser le principe « ju » des anciennes écoles, en l’englobant dans une vision à la fois plus large et plus précise.

Il l’exprime par cette maxime : le judo est la recherche du « meilleur emploi de l’énergie » (Seiryoku saizen katsuyo, le plus souvent réduit à l’expression « seiryoku zenyo », utilisation habile et bonne de l’énergie), l’art de l’efficacité maximum dans l’usage de l’esprit et du corps. C’est dans ce sens qu’il faut travailler les techniques, en s’appuyant sur les effets de déséquilibre et de levier qui permettent à un combattant plus léger de projeter sur le dos avec puissance un adversaire plus fort physiquement et de le contrôler facilement au sol.

C’est ce qui fait du judo un art de la sobriété, où l’on cherche toujours le levier le plus efficace, sans dépense d’énergie inutile. C’est dans cette perspective que le « gokyo », la nomenclature technique japonaise, place en première étude, avec valeur d’exemple, le balayage du pied avancé (de-ashi-barai), qui permet de faire tomber sans aucune force l’opposant le plus puissant et le plus lourd. Le concept s’applique à l’esprit aussi bien qu’au corps, en cherchant constamment le chemin le plus pertinent, la méthode la plus adaptée, l’attitude la plus juste.

Pour Kano, le « seiryoku zenyo » doit devenir un principe directeur, une philosophie de vie.

 

3 JITA YUWA KYOEI : la prospérité mutuelle par l’union des forces

Si le principe de la bonne utilisation de l’énergie est le socle, celui de « l’entraide et de la prospérité mutuelle », comme on traduit le plus souvent cette dernière maxime, l’idée de faire les choses ensemble, pour le bénéfice de tous, en est la clé de voûte.

Le judo, discipline de combat, sport olympique, demande une forte concentration sur et pour soi-même, unique façon de progresser, mais toujours avec le souci des autres, en tenant compte du partenaire et du groupe. L’effort que l’on fait pour soi-même ne peut entraver ni léser l’épanouissement des autres. Loin d’être un frein à nos désirs et à nos ambitions, cette injonction est autant pragmatique que morale car, « la bonne utilisation de l’énergie », c’est aussi de comprendre que le pur individualisme et égoïsme des autres, nous prive du dynamisme du travail collectif, source des progrès sur le long terme, de soutien et de joie quotidienne.

Dans cette dimension participative, le développement de chacun contribue au développement de tous, et par extension de la société tout entière. C’est le rôle que le club de judo joue dans la vie des licenciés. C’est notre destin individuel de vivre en société et d’y trouver sa place, celle qui contribuera à l’élan général grâce aux efforts que nous aurons fournis pour nous-mêmes, et cela commence au dojo, dans un club.

C’est l’espoir du judo que de pouvoir offrir, au-delà des joies de la pratique, de la maîtrise technique et des acquis physiques et mentaux que l’on y gagne, une forme d’éducation citoyenne.